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Joe Pytka : « Je suis un trou du cul »

« Je suis un trou du cul. » Voilà comment Joe Pytka résume ce que les publicitaires avec lesquels il travaille pensent de lui. Il le sait, sa réputation le précède. Il est caractériel, à tendance détestable. « J’utilise la peur et l’intimidation. Ça a marché pour l’Eglise Catholique, ça marche pour moi. » confesse-t-il.

Pourtant, Pytka adore les gens. C’est justement pour façonner cette matière humaine qu’il a choisi la pub. « Dans les documentaires que je réalisais avant de faire de la pub, il fallait que je manipule les images pour faire passer mon idée. Je voulais en arriver là autrement, » raconte-t-il. Il s’essaie donc à la publicité, dans son propre registre. « À l’époque les pubs étaient mises en scène de façon très théâtrale. Moi j’avais envie de filmer de vrais gens, dans la vraie vie. Personne ne faisait ça. »

Pytka n’est pas dupe, il sait qu’il reste avant tout un habile manipulateur. « On fait des compromis, on est au service d’une technique assez développée mais qui reste de la propagande. Il faut être malin et essayer de rendre le film le plus juste possible ». D’où ce que certains prennent pour de l’ingérence ou du manque de respect et que lui explique par la responsabilité dont il se sent investit : « Quand vous faites un film que des millions de personnes vont regarder, vous avez intérêt à ce qu’il soit le mieux possible ». Et, donc à défendre vos idées, quitte à ce qu’elles ne soient pas les mêmes que celles de la personne qui se trouve en face de vous. Et quitte à ce que, parfois, il ne reste pas grand chose de l’idée originale. « Je me souviens de ce script, dans lequel un livreur de Pespi prenait une canette de Coca, se faisait surprendre par une petite grand-mère et la reposait, gêné. (la canette, pas la grand-mère, ndlr). Je trouvais l’idée naze, je l’ai dit au créa, je lui ai proposé de trouver autre chose, il n’a pas voulu en entendre parler sous prétexte que le client n’avait pas validé. J’ai tourné le truc de la grand-mère et puis j’ai refait deux prises pour monter un autre scénario avec l’aide d’un petit génie des effets spéciaux qui a créé la chute de canettes de toutes pièces ». Voilà comment est né l’un des films Pepsi réalisé par ce grand monsieur de la publicité, et sa réputation…

Mais la qualité du travail du réalisateur l’emportera toujours sur les défauts de l’homme. Sa faculté à donner un visage humain aux plus grosses entreprises du monde en fait le chouchou de nombreuses multinationales : Pepsi, qui lui doit un bon nombre de ses meilleurs opus publicitaires, IBM dont il écrit presque à lui seul la saga, mais encore Nike, Mc Donald’s, HBO, Apple, Doritos… Il est à ce jour le réalisateur le plus prolifique de l’histoire du Superbowl avec à minima une quarantaine de spots à son actif. Les marques l’ont bien compris, Pytka a parfaitement cerné ce qui plait au public. « On m’a reproché d’être trop sentimental mais c’est ce qui marche aux USA, » résumait-il lors d’une précédente interview accordée à Culture Pub.

Ce que l’Amérique veut, Joe Pytka le lui donne. Qu’il s’agisse d’un peu d’humanité dans nos écrans de télé ou de quelques paillettes pour nous mettre le cœur à la fête. Des sportifs de légende aux pop stars en passant par le roi de la pop himself, Joe Pytka a un album de photos people à faire pâlir d’envie la presse à scandale. Bo Jackson, Tiger Woods, Shaquille O’Neal, Madonna, Britney Spears, Cindy Crawford, sont autant de stars qu’il a brillamment mis en scène pour le compte de la réclame. Et tant qu’à frayer avec ces célébrités, il en profite pour transformer l’essai en réalisant des clips pour Michael Jackson (« Heal the world »,1991) ou pour les Beatles (« Free as a bird », 1995) pour ne citer que les plus connus ; mais également en passant du très court au long métrage. En 1996, il met en scène Michael Jordan, dans Space jam, premier film d’animation à succès non signé Disney, directement inspiré de ce spot.

« Il traitait tout le monde de la même façon, comme de la merde. Mais Michael Jordan et moi, on adorait ça. Pour lui, on n’était pas différents des autres. » racontera Larry Bird, célèbre joueur de la NBA, non sans une certaine sympathie.

Pourtant « J’adore les comédiens. » confiait-il à Culture Pub en 2003. Loin des standards, son acteur fétiche à la quarantaine bedonnante. « Et quand je ne trouve pas mieux que le dernier, je reprends le même ». Même si « dans la pub on veut toujours faire plus jeune, ce n’est pas évident de trouver de jeunes acteurs qui soient bons ». À l’impossible nul n’est tenu, c’est en mettant en scène une fillette affublée de la voix de Marlon Brando dans un remake du Parrain particulièrement drôle que Pytka signe un des spots cultes de la rédaction.